Sound systems

Publié le par sista carol

Impossible de parler de la musique jamaïcaine sans évoquer les sound systems. Dans la description des différents courants musicaux de l’île, j’y ai parfois fait mention. Surtout en parlant de la naissance du dub et du toasting (DJ style).

Le sound system (ou sound, tout court), que l’on pourrait traduire en français par « système sonore », est une bien petite expression pour un si grand art qui a propulsé tant d’artistes jamaïcains et d’ailleurs, dans les studios ou sur le devant de la scène.

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Ce véritable concept initiateur du simple fait de poser des gallettes et de les enchaîner sur une ou deux platines branchées à un ampli et des grosses enceintes, est un concept jamaïcain apparu dans les années 50. Il sera copié par les DJ de funk, de hip hop, de boîtes de nuit et de rave.

Les sounds sont le plus souvent installés sur des terrains en plein air où les baffles bricolées sont énormes et où les DJ, animateurs au micro (à ne pas confondre avec les DJ des boîtes de nuit, de club ou de rave, qui eux passent les disques. En Jamaïque, celui qui programme les disques est appelé « selector ») toastent.

En Jamaïque, les sounds sont le principal moyen de diffusion de la musique car les habitants ne peuvent s’acheter eux-même les disques et n’ont pas de radio, par manque de moyens.
Nés au cœur du ghetto, ils permettent donc au public de se distraire. Lorsqu’un sound joue, c’est tout un quartier qui vibre sous la musique.

Au tout début, les premiers sounds jouaient des titres de r&b importés des USA. Dès le début, la concurrence entre sounds étaient rudes : les « gun salute » (on tire en l’air avec une arme à feu pour exprimer sa joie devant un titre joué qu’on apprécie) et les
« clash » (c’est le fait de critiquer l’adversaire, que ce soit un sound ou un DJ, pour montrer au public sa supériorité. On retrouvera ce concept dans le hip hop [exemple : le film d’Eminem]) sont déjà présents.
 

Les plus gros sounds de l’époque étaient ceux de Coxsone et de Duke Reid (ils deviendront par la suite des producteurs). Parallèlement, dès les années 50, les DJ développent dans les sounds un style vocal innovant, ancêtre du rap.

coxsone-speaker.jpgLes mythiques enceintes de Coxsone !


Lorsque la Jamaïque va se mettre à produire elle-même sa musique avec l’arrivée du ska, les sounds vont jouer un rôle majeur dans l’industrie musicale de l’île. En effet, avant d’être pressé sur vinyle, un titre est d’abord gravé sur une autre matière moins coûteuse, l’acétate. En soirée, ce titre sera joué en exclusivité. On ne le retrouve nul par ailleurs. Ces titres exclusifs sont appelés « dub plates ». Si le public apprécie le titre, un producteur pourra alors le graver en 45 tours vinyle.
Un sound, pour se faire respecter et se faire une renommée, doit, en plus de son matériel impressionnant en sonorisation et de la qualité de la programmation du selector, posséder une bonne collection de « dub plates ».

sound.JPGUn véritable « mur du son » !


A l’arrivée du dub et de la nouvelle vague très innovante de DJ à la fin des années 60, les propriétaires des sounds rivalisent de techniques pour être le « sound number one ». Ils paient alors des DJ, qui eux doivent jouer la gloire du sound en question. Ces morceaux, exclusifs aussi, sont appelés « specials ». Les DJ en raffolent car pour eux, cela leur fait aussi une publicité, en présentant notamment leur nouveau single par exemple.

Dans les années 70, la politique du pays change brutalement (voir cet article). Les habitants du ghetto sont les premiers à en pâtir. Les guerres politiciennes se gangrènent dans les sounds. Les soirées deviennent violentes. Du coup, de nombreux chanteurs et de propriétaires de sounds s’expatrient aux USA ou en Angleterre.
A l’époque, toutes les soirées étaient arrêtées par des descentes de police ou par des « gunman » qui soutiennent l’un ou l’autre des deux partis politiques de l’île. Le nombre de soirées a donc chuté. Les sounds ne voulaient plus se produire.

La musique s’est donc retrouvée cloisonnée dans les maisons (où un poste de radio était présent) et les studios. Face à la brutalité quotidienne, la foi RasTa se développe dans les ghettos. La réponse à la violence est donnée par cette génération de chanteurs et musiciens au verbe puissant (« word, sound and power »), passant leurs journées entières en studio à enregistrer ou répéter.

Mais au début des années 80, la musique change, tout comme la situation politique. Edward Seaga, un pro-américain ultra-libéral, remporte les élections dont les émeutes qui les ont précédées étaient soutenues par la CIA. Mais les gens recommencent à sortir. La tendance générale est au laissé-allé et à l’amusement. Les sounds se remettent à jouer.


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L’arrivée du digital puis du ragga dans les années 80 provoque une explosion de nouveaux DJ, et donc de sound systems. Les nouveaux titres se multiplient car plus facile techniquement à réaliser. Après une hibernation durant les années 70, les sounds reviennent donc en force dans les années 80, jusqu’à aujourd’hui.

Les soirées sont enregistrées sur cassettes puis revendues le lendemain. Ces cassettes, appelées « mix-tapes », sont très appréciées du public car elles permettent de faire durer la soirée. Ces cassettes permettent aussi réellement de savoir ce qu’écoutent les jamaïcains car la radio jamaïcaine ne passe jamais sa production locale (seulement de la soul américaine). Donc le sound reste le seul moyen pour faire entendre la musique de l’île.

Par la suite, ces soirées seront enregistrées sur CD, et certaines exportées vers l’Europe pour un public « underground ».
La compilation « ragga connexion », qui a fait fureur en Europe, est basée sur ce concept.

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